Histoire de la stèle en hommage au réseau Max Buckmaster

stèle max buckmaster

Le parachutage et l’arrestation des résistants dans la nuit du 8 au 9 septembre 1943

« La langouste a bu du Cinzano », c’est le message qui a pu être entendu sur la BBC  le 8 septembre 1943, et qui résonnait particulièrement pour les membres du réseau Max Buckmaster implanté à Château-du-Loir. Il s’agissait en effet d’un message codé annonçant le parachutage d’armes sur le plateau des Moirons à Dissay-sous-Courcillon.

Un groupe de résistants, mené par le docteur Henri Goude, se présenta donc vers 23h30 sur les lieux pour récupérer 9 conteneurs de 180kg chacun qu’ils ont ensuite cachés dans une champignonnière près de la forêt de Bercé. Une partie du groupe est de retour en voiture à Château-du-Loir vers 3h15 du matin.

 Dans un témoignage, le docteur Henri Goude explique qu’il voit à ce moment-là de la lumière dans sa maison. Goude et ses amis comprennent alors que les Allemands les attendent et qu’ils ont été démasqués. Le groupe prend la fuite vers Tours mais se fait ensuite violemment intercepter à un barrage prévu par la Gestapo sur l’actuelle départementale 298 au niveau de l’actuel rond-point de la zone du Chêne Vert. C’est à l’endroit même de l’arrestation que la stèle en hommage aux membres du réseau Buckmaster a été installée en 1966.  Elle a été déplacée de quelques mètres en 2024 pour des raisons de sécurité.

S’ensuivent alors de longues séances de tortures et de coups pour essayer de faire parler les membres arrêtés. Goude raconte la brutalité de ces interrogatoires [dans son livre], mais malgré cela, personne ne parle. Le 9 septembre, le groupe est emprisonné à Tours, puis Angers et Compiègne. Goude, David et Taveau arrivent tout de même à communiquer du fond de leurs geôles et se mettent d’accord sur les réponses à apporter aux interrogatoires. Le 17 janvier 1944, ils sont acheminés vers l’Allemagne dans des camps de concentration où ils vivent l’horreur.

Seuls Henri Goude, Victor David et Raphaël Maux sont revenus. Après leur retour en 1945, ils ont eu la « joie » d’apprendre qu’une partie des armes qu’ils avaient récupérées et cachées a servi aux combats de la Libération dans le nord de la Sarthe.

Photo du Docteur Henri Goude (1909-1975), Conseiller général, déporté résistant et membre du réseau Max Buckmaster

Pourquoi « Réseau Max Buckmaster » ?

En 1940, alors que toute l’Europe est en guerre, Churchill met en place des réseaux de sabotages, parachutages, livraisons d’armes, etc. Il crée le S.O.E. (Special Operations Executive), un service secret britannique qui aide les branches résistantes des pays d’Europe occupés. C’est le colonel Buckmaster qui est chargé d’organiser les 95 réseaux en France. Entre 1940 et 1944, Des centaines d’agents de mission sont envoyés en France pour créer les réseaux. Ils travaillent d’ailleurs en lien avec les Forces Françaises libres.

C’est ainsi que le 23 mars 1943, trois hommes du S.O.E. sont parachutés près du château de Courcillon dont Bouguennec, chargé de mission, et le radio Rousset. Bouguennec, blessé, est emmené chez le docteur Goude, résistant (qui faisait jusque là plutôt de la transmission d’informations jusqu’en Angleterre), qui le soigne et le cache chez lui pendant un mois. Bouguennec, alias « Max », organise son réseau dans la Sarthe, à Sablé-sur-Sarthe et dans la zone de Château-du-Loir composée de Goude et ses amis.

Le réseau implanté dans le territoire s’appelle donc Buckmaster-Max Butler mais il est le plus souvent désigné sous le nom de Max Buckmaster. En général, un réseau Buckmaster utilisait le nom du colonel anglais qui gère les opérations, accolé au nom du chef de réseau local, ici Max, et un nom de code par exemple un métier ou un végétal (en anglais), ici Butler qui signifie « Maître d’hôtel ».

La zone de Château-du-Loir a été la plus active de la région en termes de parachutages : 5 en trois mois ! Elle mène d’autres actions : des liaisons radio, des sabotages, le secours et la protection d’agents alliés et d’aviateurs abattus… Mais début septembre 1943, l’ensemble du réseau est démantelé ; Rousset et Bouguennec sont arrêtés le 7 septembre à Paris. Rousset s’échappera et Bouguennec sera pendu. Des opérations d’envergure de la Gestapo sont menées à Château-du-Loir. Elles aboutiront à plusieurs vagues d’arrestations dont celle d’Henri Goude et de ses amis dans la nuit du 8 au 9 septembre 1943.

Indication du lieu de parachutage « Plateau des Moirons » à Dissay-sous-Courcillon depuis l’endroit où ils ont été arrêtés.

La création de la stèle et son historique

La stèle a été commandée, financée et érigée par Monsieur Victor David, résistant aux côtés du docteur Goude, en hommage à ses camarades du réseau Max Buckmaster morts en déportation ou des suites de leur déportation. Elle a été inaugurée le 18 septembre 1966 sous la présidence du préfet de la Sarthe, M. Wiltzer, en présence du député local Joël Le Theule, du conseiller général et des autres personnalités de la région, des anciens combattants dont l’association « ceux de Verdun » (Victor David en était membre), et de la population venue rendre hommage aux victimes. Elle a été installée à l’endroit précis où le groupe fut arrêté dans la nuit du 8 ou 9 septembre 1943.

Tous les ans, une cérémonie d’hommage a lieu pendant la Journée nationale de la Déportation, le dernier dimanche d’avril. En 1991, la fille de Victor David rendait compte dans une lettre qu’il y avait 200 personnes présentes à ce rassemblement. Depuis, le problème de la sécurité lors de ces cérémonies revient systématiquement ; c’est pourquoi il a été décidé de déplacer la stèle de quelques mètres pour permettre à tout un chacun de se rendre devant sa plaque commémorative en toute sécurité. Madeleine David signifiait, dans une autre lettre la même année, que si la stèle pouvait permettre aux jeunes et aux moins jeunes de  se souvenir de cette période, alors cette stèle, si chère au cœur de son père, avait toute son importance.

Aujourd’hui, elle nous permet de nous remémorer l’histoire de ce réseau Max Buckmaster et aussi de rendre hommage à tous les déportés de la région de Château-du-Loir qui ont contribué par leurs actes de résistance à la Libération de notre Pays.

Rappelons-nous le lourd bilan de la déportation en Sarthe pendant la guerre 1939-1945 : 1734 personnes ont été déportées, 976 ne sont jamais revenues, et beaucoup ont ensuite péri des suites de leur terrible traitement.

Lettre de Madeleine David au préfet de la Sarthe, 198X

Inauguration de la stèle le 18 septembre 1966.

Les noms des résistants du territoire déportés, et morts en déportation cités par Henri Goude en 1966 :

Membres du réseau Max Buckmaster de Château-du-Loir, morts en déportation (ou à la suite de leur déportation) :

Jean Bouguennec, Alice Berthoud, Gilberte Gensel, Marcel Taveau, Marcel Morand, Henri Gensel, Pierre Gaubert, Adrien Froger (ne voulut pas tomber aux mains des Allemands), Kléber Vaudron, Victor Papin, Félix Polpré, Oscar Monéris, Henri Gauthier.

Henri Goude leur associe les autres Castéloriens patriotes victimes des camps :

Gabrielle Legras, Jean Broustail, Raymond Poissenot, Jacques Planchais, Louis Guy, André Ricordeau.

Déportés du réseau revenus des camps :

Henri Goude, Victor David, Raphaël Maux, Albertine Monéris. 

Sources

Club d’histoire locale de Montval-sur-Loir, Michel Benoit,

Le Petit Castéropode de Guy Roger,

Museedelaresistanceenligne.org,

Articles de presse : Ouest France du 26.04.2022, du 15.11.2013, du 26.05.2021, La Nouvelle République du 9.09.1966, le Maine Libre du 30.04.1990

Edouardchateau.com

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